Quand l’automne tombe sur le rucher

Quand l’automne tombe sur le rucher

L’automne est une saison particulière pour les abeilles comme pour l’apicultrice que je suis. Les fleurs se fanent, les journées raccourcissent, et les colonies ralentissent doucement leur activité. C’est à ce moment que je prépare mes ruches pour l’hiver, en vérifiant leurs réserves, en sécurisant les ruches et en me laissant gagner par une émotion mêlée de sérénité et d’inquiétude.

Observer les signes de l’automne au rucher

Lorsque j’arrive au rucher en octobre, le décor a déjà changé. L’air est plus frais, la lumière plus douce, et le va-et-vient des butineuses n’a plus rien à voir avec l’effervescence des beaux jours. Autour des ruches, les prairies se sont vidées de leurs fleurs colorées, et seules quelques abeilles s’aventurent encore à rapporter un peu de pollen ou de nectar de lierre.

C’est une ambiance particulière : calme, presque silencieuse. J’aime m’arrêter quelques minutes devant les ruches, écouter ce bourdonnement discret qui persiste malgré tout, sentir l’odeur de cire et de propolis qui s’échappe par les entrées réduites. À chaque fois, je ressens la même chose : l’automne, c’est la promesse d’un repos nécessaire, mais aussi l’amorce d’une épreuve, celle de l’hiver.

Mes gestes d’apicultrice pour préparer les abeilles à l’hiver

En cette saison, mon rôle est d’accompagner les colonies pour leur donner les meilleures chances de traverser les mois froids. C’est le temps des vérifications et des derniers ajustements.

  • Contrôle des réserves de miel : en ouvrant les ruches, je regarde si les cadres sont suffisamment remplis. Une colonie doit disposer de réserves en miel d’environ 12-15 kg pour tenir jusqu’au printemps. Parfois, je tombe sur une ruche surprenamment bien garnie qui me rassure immédiatement ; d’autres fois, je découvre une colonie plus fragile qu’il faut soutenir en la nourrissant au sirop lourd (sirop du commerce) ou pain de candi (pâte blanche sucrée).
  • Traitements et soins : l’automne est aussi la période où je m’assure que mes abeilles sont en bonne santé. Le varroa, peut affaiblir gravement les colonies. Je choisis mes méthodes avec soin, toujours en cherchant l’équilibre entre efficacité et respect des abeilles mais une colonie non traitée est souvent une colonie en difficulté après l’hiver. Cette saison, j’ai choisi de les traiter avec l’Apivar et un rappel par un traitement flash à l’hiver (Oxybee).
  • Préparation matérielle : réduire les entrées, vérifier les toits, isoler et sangler si nécessaire… Ce sont des gestes simples, mais ils font toute la différence face au vent, à l’humidité et au froid. Je prends le temps de tout sécuriser, comme si je bordais mes abeilles avant leur long sommeil.

À chaque ruche refermée, j’ai ce petit réflexe : poser ma main sur le bois, comme pour leur souhaiter bonne chance. C’est un geste simple, peut-être inutile, mais un geste pour dire « on se voit au printemps les filles ».

Entre fatigue et gratitude : ce que je ressens en fin de saison

L’automne, c’est aussi pour moi le moment du bilan. La saison apicole est toujours intense, parfois épuisante, et je porte dans mon corps les traces de toutes ces journées passées entre ruches, formations, élevages et récoltes. Mes muscles se relâchent, mes nuits s’allongent, mais mon esprit reste encore accroché à mes abeilles, la transformation du miel, l’organisation du travail, l’écoulement des stocks, …

Il y a de la gratitude : pour chaque pot de miel récolté, pour chaque colonie qui a bien travaillé, pour chaque essaim ou élève que j’ai accompagné. Mais aussi une pointe d’inquiétude : malgré mes soins, je sais qu’une partie de l’hiver leur échappera et que je devrai attendre le printemps pour savoir si elles ont survécu.

En parallèle, ma vie d’enseignante suit le même rythme : mes élèves reprennent le chemin des cours, et moi aussi, je ralentis un peu, comme mes abeilles. L’automne devient une invitation à la patience, à l’acceptation des cycles, à l’art de se préparer pour mieux renaître.

Conclusion

Préparer les abeilles pour l’hiver, c’est plus qu’un travail technique : c’est un rituel empreint d’émotions. J’observe les colonies se resserrer, j’assure leurs réserves, je sécurise leurs ruches, et je leur confie une part de moi en refermant les toits. Chaque automne, je me sens à la fois fatiguée et reconnaissante, inquiète et confiante, toujours admirative de cette petite société qui accepte sans résistance le rythme des saisons.

Et si mes abeilles m’enseignent quelque chose en octobre, c’est bien cela : savoir ralentir, se préparer, et accueillir l’hiver comme une étape nécessaire.